Mariason

Faut-il rechercher à être bien vu ?

Voilà bientôt une année, que je suis devenu pratiquant de la prière du chapelet au précieux sang de Jésus. Certes, il reste des expressions dans la forme écrite de cette prière, que je cherche toujours à comprendre, mais ce n’est pas l’objet de cet article. Par le présent, je veux que nous nous arrêtions sur une question qui me revient à chaque fois que j’égrène les cinq mystères de ce chapelet. Cette prière m’a ouvert les yeux sur des aspects de nos vies qui nous dispersent souvent et nous éloignent de l’essentiel. Il s’agit du trop grand souci que nous avons souvent de vouloir savoir comment les gens nous voient. La prière au précieux sang demande souvent la grâce de ne pas rechercher à être bien vu.

Un désir tout à fait humain.

Il suffit de voir sur les réseaux sociaux, l’envahissement quotidien des publications où les gens vendent leurs images pour savoir combien les humains recherchent à être bien vus. Cette inclination à être reconnu et surtout à être bien vu est naturel et je ne crois pas qu’il y ait des humains qui y échappent. On raconte qu’un évêque un jour, rend visite à un de ses prêtres reconnu très entreprenant, plein de créativité et donc très apprécié par ses paroissiens. Le père évêque est malheureusement quelqu’un qui a du mal à féliciter les autres et qui s’y prend toujours mal lorsqu’il le fait. Avant de prendre congé de son prêtre, il admire l’Esprit Saint qui a permis au curé d’opérer tant de changements dans sa paroisse. Et le curé de lui répliquer, « Il reste maintenant au Saint Esprit de nous apporter les tôles pour remplacer le vieux toit de l’Eglise » …
 Tout le monde a besoin de reconnaissance. Même animé par les plus altruistes motivations, le saint qui mène une vie irréprochablement désintéressée, et qui est vu comme tel, avant de devoir la gloire à Dieu, en prend pour lui-même. C’est simplement humain de vouloir être bien vu et La Roche de Foucault l’a compris qui a dit que « le refus d’être loué est un désir d’être loué deux fois ». Lorsque vous posez un acte, qu’il soit anodin ou prométhéen, s’il s’en trouve un être humain sur la terre pour vous en féliciter, souffrez d’accepter ses compliments et ne mentez pas à vous-même, car votre être profond en besoin pour avancer.

Pourquoi veut-on être bien vu ?

Il peut exister plusieurs raisons qui expliquent pourquoi une personne désire être bien vue et ne lésine pas sur les moyens pour atteindre cet objectif. Tous ceux qui ont eu cette grâce de passer par les maisons de formation pour enfants, ont eu sans doute à expérimenter comment ils se comportaient en présence des éducateurs. Chacun veut renvoyer aux professeurs et éducateurs la meilleure image de soi-même, en oubliant que ceux qui les éduquent sont passés par les mêmes étapes et qu’ils ne sont pas dupes. Saluons au passage, tous ces éducateurs qui nous ont appris la vie, qui savaient discerner les actes inhérents aux âges des actes fondamentalement et foncièrement mauvais. Quelle grâce de les avoir eus tous ces formateurs ! Je me rappelle encore un de nos amis dont on aimait se moquer par qu’il tenait au grand séminaire encore, des comportements que nous avions laissés derrière nous au petit séminaire : il se plaisait à dire son chapelet en arpentant le long bâtiment des professeurs. Si le désir de l’homme d’être vu est souverainement inspiré de l’appel de l’évangile à allumer la lamper pour la poser sur le lampadaire, ce désir est sain et louable. Mais même là, le risque est grand de procéder maladroitement. Il faut s’appliquer à ne pas faire écran aux autres, à ne pas éteindre les petites lumières autour de soi, à ne pas vouloir que tous les regards soient sur soi.

Comment le Christ n’a jamais recherché à être bien vu ?

Le besoin de vouloir plaire aux autres peut nous pousser sans que nous le sachions à déployer des énergies et du temps que l’on aurait mieux employer à d’autres fins. Cette inclination nous arrive parce que nous entretenons une peur inavouée de passer inaperçu. Nous avons ce ressentiment de ne rien valoir tant que les autres ne disent pas du bien de nous. La moindre critique qui remonte à nous nous stresse et nous écorche. Cet énorme besoin de nous démarquer et de briller peut se retourner contre nous, parce qu’il nous fait perdre de vue ce qui est vraiment essentiel. Et c’est ici que la seule image à laquelle nous devons nous appliquer pour ressembler, nous interpelle : « méprisé, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien ». Isaïe 53, 3. Selon le Matthew’s Bible Commentry, « rejeté des hommes, abandonné des hommes » exprime toute l’histoire mélancolique du serviteur de Dieu, le serviteur souffrant ; il est rejeté par les Juifs ; par les riches ; les grands et les savants ; par la masse des gens de tous grades, âges et rangs. Saint Jérôme dira, novissium virorum : « Le dernier des hommes », c’est-à-dire le plus abject et le plus méprisable de l’humanité. Le peuple dans son ensemble le trouvait si différent de ce qu’ils attendaient au point qu’ils ne pouvaient pas le regarder, au point qu’ils cachaient leurs visages avec un mépris sans égal. Le Serviteur souffrant décrit ici par le prophète Isaïe et qui est un type du Christ, nulle part dans cette prophétie, n’a été tenté de réajuster sa mission avec la perception et l’attente du peuple. Il existait un écart entre ce que le peuple désirait voir en lui et ce qu’il était actuellement. Le serviteur a méprisé cet écart car ce qui était essentiel pour lui était qu’il n’existât pas un tel écart entre ce qu’Il était et ce qu’il faisait. Il n’est pas leader à recevoir sa mission de ceux qu’il dirige, il est leader qui s’applique à dérouler le programme de celui qui l’a mandaté. Il n’est pas venu pour plaire, mais pour accomplir la mission de son Père. Il est essentiel alors de se poser la question, en tout ce que nous faisons, si nous le faisons pour Dieu ou pour nous ?

Quelle est la part de Dieu ?

Comme baptisé et particulièrement comme prêtre appelé à être ministre, serviteur, il est nécessaire à chaque pas de se poser la question, quelle est véritablement la part qui revient à Dieu dans ce que je mène comme ministère ? Le Père Jean Adrien Ouédraogo, membre de la congrégation des Fils de Marie Immaculée aimait, alors que nous étions encore séminaristes en formation, nous parler du devoir de lire gratuitement la Parole de Dieu. Pour lui, la lecture gratuite de la Parole de Dieu est celle où le lecteur ne cherche rien d’autre qu’à découvrir davantage celui qu’il y lit, à comprendre davantage pour lui-même celui que communique la Parole. Cette lecture gratuite, installe en nous une sorte de soif ou de faim permanente que l’on veut étancher ou assouvir, c’est une lecture où le lecteur aime la Parole pour ce qu’elle est pour lui, un inspirateur continuel dont il ne peut se séparer. Cette lecture est bien différente de celle où l’on se préoccupe de préparer une homélie, une communication ou un partage de la parole. Ces exercices deviennent souvent, sans que nous nous en rendions compte, des joutes pour impressionner ou impacter les autres, plus que pour nous laisser toucher par la Parole. Ces exercices sont des lieux où l’on s’échine dans les tournures des phrases, les envolées oratoires qui nous mettent bien en vue et qui détournent l’auditoire de la Parole vers notre parole. Ce n’est pas vertueux de rechercher à être bien vu. Là où les regards et les appréciations sont recherchées pour nous-même, là n’est pas le Christ. L’image que nous voulons renvoyer au monde qui nous environne, sera toujours trompeuse si nous ne la reposons que sur ce que les gens disent de nous. Peut-être refusons-nous de reconnaitre un certain manque en nous que nous voulons combler par ce regard positif que nous attendons tant des autres. Il faut croire en soi, n’avoir de héros à imiter que Jésus seul, faire le bien autant que l’on peut sans calcul et sans attendre rien de personne. C’est le seul moyen pour être à l’abri des cuisantes déceptions, car Il y a des bouches qui fredonnent des airs de louange, en parfaite et totale dissonance avec les tourbillons d’animosité et de méchanceté tapies les cœurs. Ce qui importe ce n’est pas de faire l’unanimité, mais de toujours viser être du côté de la Vérité, Jésus, le Seul dont le vrai regard compte.

Rev. Fr. Joseph Kinda

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Latest Posts