La construction d’une communauté chrétienne fraternelle représente un défi majeur, surtout dans des contextes où les écarts de niveau d’éducation sont significatifs. Dans de telles situations, le prêtre se trouve face à une réalité pastorale complexe, où il doit accompagner des fidèles aux parcours très variés en matière de foi, de provenance et de pratique religieuse.
Le cas de la communauté francophone Saint Joseph de la sainte famille.
De l’autre côté, les fidèles de longue date, ceux qui ont toujours pratiqué leur foi, montrent qu’ils sont ancrés dans une tradition, et voient souvent leur dévotion comme une source de stabilité et de réconfort. Ils peuvent éprouver un sentiment de responsabilité envers la transmission des valeurs et des rituels, ce qui peut les amener à juger le manque d’engagement des nouveaux comme une menace pour la pérennité de leur communauté. Cette frustration peut parfois se traduire par une réticence à être ouverts et accueillants aux débutants, renforçant ainsi un fossé entre les deux groupes.
La dynamique entre les nouveaux venus dans la foi et les pratiquants aguerris est souvent marquée par des contrastes significatifs. D’un côté, les personnes qui découvrent la spiritualité cherchent souvent des réponses à des questions existentielles. Souvent elles n’ont de bagage dans ce domaine, que ce que leur servent quotidiennement et à profusion, les réseaux sociaux qui semblent donner accès à ce qui semblait distant et réservé à certaines personnes. Ces nouveaux venus, aspirent à une connexion plus profonde avec le divin et trouver une communauté qui les accueille et les accompagne est idéal. Leur parcours n’est pas sans embûches, car ils se heurtent inéluctablement à des rituels et des traditions qui peuvent leur sembler archaïques ou déconnectés de leur vécu quotidien que façonnent les médias du moment. Cette quête de sens peut les conduire à remettre en question certaines pratiques, suscitant ainsi des tensions.
Entre ces deux groupes, il y a cet autre qui est composé par ceux qui avant de se retrouver en terre d’immigration, étaient de ceux que l’on appelle dans un langage presque dénudé de sens, les chrétiens non pratiquants. Ceux-ci sont entrains à répondre présent à chaque rassemblement eucharistique, mais plus pour l’occasion que donne ce rassemblement de retrouver des amis et connaissances pour un temps sympathiser et socialiser, que pour réellement prier. Vous me direz qu’il vaut mieux pour eux de rechercher cette ambiance à l’église qu’ailleurs dans une cité comme New York qui en regorge bien. Et vous avez raison de le dire…
Église notre mère à tous.
Pour favoriser une cohabitation harmonieuse, il est essentiel de promouvoir un dialogue ouvert et empathique, où les expériences de chacun sont valorisées. En initiant et en entretenant une culture d’accueil et de partage, les communautés peuvent évoluer ensemble, enrichies par la diversité des parcours spirituels. C’est exactement ce qui a conduit la pastorale que nous avons adoptée depuis septembre 2016 où le petit groupe « Famille Saint Joseph »,
s’est ouvert pour accueillir cette multitude que nous connaissons aujourd’hui. Ce petit groupe a consenti à perdre ses avantages d’entité réduite pour s’ouvrir à un plus grand nombre avec les risques de multiplication des difficultés inhérentes aux différences et donc aux incompréhensions. Faire église est aussi à ce prix.
Le rôle du prêtre au milieu de tous.
Pour le prêtre, la création d’un espace d’accueil et de dialogue est essentielle pour favoriser une communauté spirituelle dynamique et inclusive. Cela nécessite une approche proactive et réfléchie, où chaque membre, qu’il soit novice ou pratiquant aguerri, se sente valorisé et écouté. Mais le prêtre quelque illuminé qu’il soit, est appelé à l’écoute de ceux de ses fidèles qu’il juge capables d’apporter des initiatives qu’inspire l’exemple d’autres paroisses du diocèse d’accueil connu pour être cosmopolite. Cette écoute peut l’aider à éviter de vouloir reproduire des schémas pastoraux auxquels il est rompu et qui peuvent être en déphasage avec les réalités du diocèse d’accueil.
Dans un premier temps, le prêtre peut organiser des activités adaptées à tous les niveaux de foi et d’expérience. Ces activités pourraient inclure des sessions d’initiation aux rituels et aux croyances fondamentales, permettant aux nouveaux venus de se familiariser avec les traditions sans se sentir submergés. Parallèlement, des formations continues pour les fidèles de longue date peuvent approfondir leur compréhension des textes sacrés et des enjeux contemporains, favorisant ainsi une foi vivante et réfléchie.
Les groupes de partage, qu’ils soient thématiques ou par tranche d’âge, peuvent également jouer un rôle crucial. Ces espaces permettent aux participants d’échanger leurs expériences et leurs questionnements dans un cadre bienveillant. En favorisant des discussions ouvertes, le prêtre peut encourager un climat d’acceptation et de respect, où chacun se sent libre d’exprimer ses doutes et ses aspirations spirituelles.
Les moments de prière communs, qu’ils soient formels ou informels, peuvent renforcer le sentiment d’appartenance à une même communauté de croyants. En intégrant des éléments de diversité, comme des chants ou des prières provenant de différentes cultures ou traditions, le prêtre peut enrichir l’expérience spirituelle de tous. Cela permet également de valoriser les contributions des nouveaux membres, qui peuvent apporter des perspectives fraîches et des pratiques inspirantes.
Enfin, il est essentiel que le prêtre soit un facilitateur attentif, prêt à écouter les besoins de sa communauté. En étant accessible et en encourageant le retour d’expérience, il peut ajuster les activités et les initiatives pour qu’elles répondent au mieux aux attentes et aux réalités de chacun. Ce leadership inclusif et attentif contribue à bâtir des ponts solides entre les générations de croyants, favorisant ainsi une communauté plus unie et résiliente. En cultivant un environnement où chaque voix compte, le prêtre aide à forger une foi collective qui évolue et s’enrichit au fil du temps.
En somme, bâtir une communauté chrétienne fraternelle nécessite patience, écoute et créativité. Le prêtre, en tant que guide spirituel, doit encourager la solidarité et l’entraide, tout en reconnaissant la richesse de cette diversité comme une opportunité de croissance pour tous.
Le prêtre appelé à la patience.
Naviguer dans un ministère où son autorité est défiée représente un défi délicat pour le prêtre. La clé réside dans l’équilibre entre l’affirmation de son rôle de guide spirituel et la compréhension des luttes personnelles que chaque membre de la communauté peut rencontrer.
Tout d’abord, le prêtre doit adopter une approche empreinte de compassion et d’empathie. Lorsqu’une “brebis égarée” choisit de s’éloigner, il est crucial de ne pas réagir avec jugement ou frustration. Au contraire, le prêtre doit chercher à comprendre les raisons de cette errance, en engageant un dialogue ouvert et sans pression. En écoutant attentivement les préoccupations et les doutes de la personne, il peut établir une relation de confiance, essentielle pour toute démarche de réconciliation.
Ensuite, le prêtre peut proposer des rencontres individuelles, où il pourra partager des réflexions spirituelles et des enseignements bibliques pertinents. Ces échanges peuvent aider la personne à se reconnecter avec sa foi d’une manière qui résonne avec ses expériences personnelles. Le prêtre peut également encourager la participation à des groupes de soutien ou des retraites spirituelles, où la communauté peut jouer un rôle positif dans le processus de retour.
Il est également important que le prêtre reconnaisse la diversité des parcours de foi au sein de sa communauté. En valorisant cette diversité, il peut montrer que l’errance fait partie du cheminement spirituel de chacun. En mettant l’accent sur la miséricorde et le pardon, il peut rappeler à tous que la communauté chrétienne est un lieu de rédemption et de seconde chance.
Enfin, le prêtre doit être patient. Le retour au bercail peut prendre du temps, et la pression pour agir rapidement peut être contre-productive. En cultivant une atmosphère d’accueil et de soutien, il permet à chacun de faire son propre chemin vers la réconciliation avec sa foi.
En somme, la navigation entre autorité et bienveillance est un acte d’équilibre. En adoptant une posture d’écoute, de compréhension et de patience, le prêtre peut guider la brebis égarée vers un chemin de retour, tout en renforçant les liens de la communauté dans son ensemble.
Rev. Fr. Joseph Kinda